Le caractère dominant des discours relatifs à la sécurité nationale et aux notions de souveraineté territoriale constitue un facteur déterminant. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a toujours explicitement formulé le droit des États à contrôler les entrées sur leur territoire, en insistant sur le fait que la détention ne peut être considérée comme arbitraire tant qu’elle sert un intérêt public légitime. Les concepts de proportionnalité et de nécessité semblent être les deux contrepoids au concept de l’arbitraire, et le Comité des droits de l’homme des nations Unies suggère qu’ils occupent une position centrale dans les situations de privation de la liberté. Il ne suffit pas que la détention serve un objectif politique; si elle ne passe pas le test de la proportionnalité et de la nécessité, elle ne peut être justifiée et elle devient alors «arbitraire». En effet, d’aucuns affirment que dans le cas des demandeurs d’asile, la détention ne repose sur aucune justification juridique sauf dans des circonstances exceptionnelles telles que les risques posés à la sécurité nationale ou à l’ordre public. Néanmoins, les États continuent de détenir les migrants sans tenir compte de la proportionnalité ni de la nécessité. Étroitement liées à ces deux notions, les concepts d’équité, de justice et de prévisibilité sont également cruciaux pour comprendre l’arbitraire, et toute personne examinant si une détention particulière est arbitraire devrait les garder à l’esprit.
Dans le contexte d’une procédure d’expulsion, selon la CEDH, la détention est uniquement justifiable aussi longtemps que la procédure est en cours et «si telle procédure n’est pas menée avec la diligence requise, la détention ne sera plus permissible».[1] Même si les États affirment le contraire, la détention des personnes en attente d’être expulsées doit être à la fois proportionnelle et nécessaire; que le détenu en question soit soumis à un ordre d’expulsion ne constitue pas en soi une justification suffisante.
Enfin, les circonstances individuelles de chaque cas particulier doivent toujours être prises en considération. Il est crucial d’éviter une approche unique et indifférenciée. Le fait qu’un État agisse dans le cadre plus large de sa propre politique d’immigration ne devrait pas constituer une justification suffisante, pas plus que l’invocation de notions générales de sécurité nationale – dans chaque cas, c’est la proportionnalité et la nécessité de la détention qui devraient être avant tout examinées.
Stephen Phillips stephen.phillips@abo.fi est étudiant de Master en Droit international des droits de l’homme à l’Université Åbo Akademi de Finlande et directeur adjoint du blog Human Rights and Democracy www.humanrightsdemocracy.com.
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[1] Affaire Chahal vs. Le Royaume-Uni [GC], Demande no 22414/93, Jugement de la CEDH du 15 novembre 1996, Rapports 1996-V, para. 112.