Être admis et prospérer dans le système éducatif au Royaume-Uni

Les études montrent que les enfants réfugiés et demandeurs d’asile sont confrontés à des obstacles de taille lorsqu’ils arrivent au Royaume-Uni et qu’il s’agit pour eux d’être admis à l’école et de prospérer dans le système éducatif. Le gouvernement central, les autorités locales, les écoles et les établissements supérieurs ainsi que les professionnels de l’éducation peuvent adopter des mesures pour veiller à ce que ces enfants reçoivent en temps opportun une éducation adaptée.  

En dépit des textes règlementaires qui précisent que tous les enfants pris en charge par les autorités en Angleterre doivent être scolarisés dans les 20 jours qui suivent leur prise en charge[1], une étude menée par Refugee Support Network et UNICEF UK[2] montre qu’aucune des neuf régions d’Angleterre – ni celles d’Écosse, du Pays de Galles ou d’Irlande du Nord – n’a satisfait cet objectif pour l’ensemble des enfants demandeurs d’asile non accompagnés (unaccompanied asylum-seeking children - UASC) pris en charge par les autorités locales[3]. Bien plus, les enfants demandeurs d’asile qui arrivent en tant que membre d’une unité familiale, eux aussi rencontrent fréquemment des difficultés pour être admis rapidement dans une école. C’est dans le secondaire et au niveau des études supérieures que l’on constate les délais les plus importants, au point où dans une région particulière, un quart des enfants ont dû attendre plus de trois mois pour obtenir une place dans une école ou un établissement supérieur.

Obstacles à l’accès

Au niveau systémique, l’accès à l’éducation est retardé par : de longues listes d’attente (particulièrement en Écosse pour ceux âgés de 16 ans et plus, qui nécessitent des cours d’anglais pour locuteurs étrangers); des processus complexes d’enregistrement en ligne que les membres de famille avec un faible niveau de maitrise des technologies informatiques (TI) trouvent difficile de remplir ; et la difficulté de trouver des places pour des enfants qui arrivent en milieu d’année scolaire. 

Au niveau de l’école, la scolarisation est retardée principalement par trois facteurs. Premièrement, les écoles font preuve de réticence à l’idée d’inscrire des élèves au niveau du secondaire supérieur parce qu’elles craignent qu’ils aient une influence négative sur les résultats d’ensemble de l’école lors des examens nationaux[4]. La majorité des écoles et des professionnels de l’éducation que nous avons consultés au cours de notre étude ne savaient pas qu’ils pouvaient demander d’exclure des résultats du niveau soumis à l’examen les élèves pour lesquels l’anglais est une deuxième langue et qui sont arrivés en cours d’année scolaire. Deuxièmement, il n’y a pas suffisamment de places aisément disponibles pour des enfants qui ont des besoins éducatifs spéciaux, une pénurie qui touche plus particulièrement les enfants dont les besoins sont sévères et qui ont été réinstallés par le biais du Programme de réinstallation des personnes vulnérables venues de Syrie (Syrian Vulnerable Persons Resettlement Scheme). Le troisième facteur contribuant à ces délais est spécifique à l’Angleterre où les autorités locales doivent demander au secrétaire d’État à l’Éducation d’ordonner à une académie d’accepter un enfant pris en charge. Dans la mesure où en janvier 2018, 72 % des écoles secondaire et 27 % des écoles primaires en Angleterre avaient le statut d’académie[5], une telle exigence représente un défi important pour de nombreuses autorités locales lorsqu’elles cherchent à placer des enfants.

Au niveau contextuel, l’étude a identifié trois obstacles déterminants à la scolarisation. Tout d’abord, un nombre non négligeable d’enfants et de familles ont indiqué se trouver encore, après six mois (alors que le maximum est supposé être trois semaines), en situation d’hébergement temporaire, c’est-à-dire à l’endroit où ils ont été placés à leur arrivée au Royaume-Uni. Pendant cette période, le plus courant est que les enfants ne soient pas inscrits à l’école pour éviter de les perturber lorsqu’ils doivent déménager, ce qui a pour conséquence de leur faire manquer une partie conséquente de leur éducation. Deuxièmement, un Programme de transfert national (National Transfer Scheme) vient d’être introduit à l’intention des enfants non accompagnés dans le but de les transférer dans des zones du Royaume-Uni où il y a moins de mineurs non accompagnés. Bien qu’aucunes données solides relatives à l’impact de ce programme sur l’accès à l’éducation ne soient disponibles, les enfants et les travailleurs sociaux signalent des délais, à la fois parce que les enfants ne sont pas scolarisés pendant qu’ils attendent ce transfert, et parce que les transferts ont lieu sans qu’un placement dans une école dans la localité de réception n’ait été garanti à l’avance. Troisièmement, les enfants qui sont soumis à une évaluation systématique de leur âge indiquent ne pas être scolarisés jusqu’à confirmation de leur statut de mineur. Les pratiques en matière d’estimation de l’âge varient – certaines autorités locales traitent les enfants en fonction de l’âge qu’ils annoncent jusqu’à preuve du contraire ; d’autres, traitent ceux susceptibles d’être des adultes comme des adultes jusqu’à obtenir la preuve qu’ils sont bien des enfants. Pratiquement un quart des enfants demandeurs d’asile non accompagnés qui ont été interrogés ont dû attendre pour une place dans une école ou un établissement supérieur, ou se sont entendus dire qu’ils n’étaient pas admissibles parce que le processus d’estimation de l’âge était en cours. Dans tous les cas, cette décision s’est vue renversée au final et le jeune a finalement été admis dans une école ou un établissement supérieur – mais en règle générale, après avoir manqué plusieurs mois d’éducation. La question de l’estimation de l’âge est complexe et les enseignants, les travailleurs sociaux et les praticiens du secteur ne cessent de signaler les difficultés qu’ils rencontrent pour tenter de trouver un juste équilibre entre les droits des enfants et une protection appropriée dans les écoles[6].

Les obstacles à la possibilité de prospérer dans le système éducatif

Au niveau systémique, la capacité des enfants réfugiés et demandeurs d’asile de prospérer au sein du système éducatif est négativement influencée parce qu’ils sont placés dans un contexte éducatif qui n’encourage pas une progression adaptée. Pour beaucoup d’enfants qui arrivent au Royaume-Uni au niveau du secondaire supérieur cela signifie qu’ils se retrouvent placés à l’intérieur d’un programme d’examens nationaux des écoles générales, dans lequel ils sont incapables d’obtenir des résultats significatifs du fait de leurs compétences linguistiques minimales et de l’interruption de leurs études. Pour d’autres cela signifie tout en arrivant au même âge (14 à 16 ans) d’être placés dans une classe d’anglais pour locuteurs étrangers avec de très faibles possibilités de réaliser pleinement leur potentiel éducatif. Il existe certes quelques exemples de pratique exceptionnelle : mise à disposition de cours dans des écoles visant un nombre plus limité de qualifications nationales que celles qui seraient habituellement testées, associée à un soutien en anglais pleinement intégré, ou mise à disposition à plein temps de cours d’anglais pour locuteurs étrangers en y intégrant des mathématiques, des TI ou d’autres matières, et offrant des voies évidentes de progression. Toutefois, de telles dispositions ne sont habituellement disponibles que dans les grands centres urbains qui accueillent des nombres importants d’enfants réfugiés et demandeurs d’asile nouvellement arrivés.

Au niveau de l’école, la capacité de ces enfants de se maintenir dans le système éducatif et d’y prospérer est négativement influencée dans certaines écoles par le soutien insuffisant en anglais pour locuteurs étrangers qu’ils reçoivent ; par les difficultés de diagnostic et de traitement des besoins éducatifs spéciaux lorsqu’ils sont associés à des besoins d’anglais pour locuteurs étrangers ; par des problèmes de harcèlement, d’intimidation et d’autres motifs sociaux ; et par l’ignorance des enseignants et des autres personnels des problèmes qui touchent les enfants réfugiés et demandeurs d’asile. Parmi les facteurs contextuels plus généraux, il convient de citer les troubles mentaux, particulièrement ceux associés à des expériences passées et ceux liés au processus d’asile qui peuvent entrainer des absences et des exclusions plus nombreuses ; la pauvreté, plus particulièrement en lien avec la capacité de pouvoir payer des ressources éducatives complémentaires, de participer à des sorties scolaires, de couvrir les frais de transport pour se rendre à l’école ; et le fait de vivre en hébergement précaire.  

Dispositions provisoires et amélioration de l’accès

Plusieurs autorités locales ont développé des dispositions éducatives provisoires réellement novatrices à l’intention des enfants réfugiés et demandeurs d’asile non accompagnés ainsi que pour les enfants réinstallés en attente d’une place dans une école. L’école virtuelle[7] qui fait partie de l’autorité locale de Croydon à Londres, par exemple, a mis en place un programme d’éducation provisoire pour les enfants réfugiés et demandeurs d’asile non accompagnés. Établie dans une école secondaire locale, l’école virtuelle propose trois jours d’apprentissage en face à face par semaine dans toute une variété de matières qui viennent s’ajouter aux cours d’anglais pour locuteurs étrangers.

Au niveau systémique, utiliser de manière novatrice les fonds additionnels que les écoles reçoivent pour apporter un soutien aux enfants à la charge des autorités peut contribuer à l’adoption de solutions provisoires. À Croydon, par exemple, les fonds du Pupil Premium (une indemnité par élève) étaient par le passé utilisés pour financer des cours individuels de langue, mais ils sont maintenant rassemblés de manière à créer un dispositif plus substantiel à l’échelle de l’ensemble de ce groupe d’élèves. Notre étude a également découvert que le degré d’engagement individuel du personnel, des autorités locales, des écoles et des collèges, peut avoir une différence tout à fait significative dans le cas de certains enfants.

Au niveau de l'école, le développement d’une philosophie positive de l’accueil des enfants réfugiés et demandeurs d’asile à l’échelle de l’école toute entière a entrainé une augmentation de l’acceptation de leurs demandes de places, de plus l’établissement d’une communication substantielle avec des défenseurs du secteur bénévole et les travailleurs qui soutiennent ces enfants s’est avéré un facteur décisif pour surmonter différents obstacles d’admission. Plusieurs jeunes, par exemple, ont expliqué que leurs tentatives pour s’inscrire dans le secondaire ou l’éducation supérieure qui avaient jusque-là échouées ont abouti à l’obtention d’une place lorsqu’ils ont été accompagnés à l’entretien avec l’école ou le collège par un défenseur ou par un travailleur social.

Prospérer dans le système éducatif

L’étude a démontré que six facteurs clés facilitent la capacité des enfants réfugiés et demandeurs d’asile de prospérer dans le système éducatif:

  • La présence d’un adulte engagé et attentif capable de les soutenir pendant une période prolongée (un aspect particulièrement important pour les enfants non accompagnés) ;
  • La possibilité de participer à des programmes éducatifs dans lesquels le contenu comme le programme en-soi ont été correctement adaptés de manière à répondre à leurs besoins ;
  • La mise à disposition d’un accompagnement pastoral et d’un soutien en santé mentale sont des aspects particulièrement importants au vu de la longueur des listes d’attente et de l’inaccessibilité de nombreux dispositifs de counseling, de thérapie et de services de santé mentale en dehors du cadre scolaire ;
  • Les partenariats entre les écoles et/ou les établissements supérieurs et les organisations spécialisées du secteur bénévole qui peuvent faciliter la mise à disposition de conseils, d’orientation et de soutien sur place ;
  • Les approches créatives de soutien par les pairs au sein des écoles ou des établissements supérieurs, par le biais notamment de systèmes de parrainage entre élèves et d’une sensibilisation générale à la migration forcée à l’échelle des établissements.
  • La mise à disposition de tous les enseignants et des autres membres du personnel de l’école ou du collège, dans le cadre de leur développement professionnel continu de formations sur la manière de satisfaire les besoins éducatifs des enfants réfugiés et demandeurs d’asile.

 

Notre étude a débouché sur les recommandations suivantes que nous adressons aux décideurs au sein du gouvernement central britannique :

  • Reconnaitre que tous les enfants, y compris les enfants demandeurs d’asile qui se trouvent dans une situation d’hébergement temporaire, doivent recevoir une éducation ;
  • Encourager le Bureau national des normes éducatives (Office for Standards in Education, Children’s Services and Skills – OFSTED), l’inspecteur des écoles gouvernementales, dans le cadre de leurs inspections, à prendre en considération et à se référer au travail entrepris par les écoles pour accommoder les besoins des enfants réfugiés et demandeurs d’asile ; 
  • Réviser et envisager de simplifier le processus qui permet au secrétaire d’État de demander à une académie d’accepter un élève ;
  • Fournir aux écoles des informations plus précises et plus claires sur les nouvelles arrivées d’élèves pour lesquels l’anglais n’est pas la langue maternelle au niveau secondaire et supérieur, et notamment veiller à ce que ces écoles soient au courant des dispositifs qui leur permettent d’exclure ces élèves de leur classement en matière de résultats d’examen;
  • Augmenter le nombre d’heures d’anglais pour locuteurs étrangers disponibles et financées pour les élèves de 16 à 18 ans.
  • Veiller à ce que figurent des contenus spécifiques au soutien des enfants réfugiés et demandeurs d’asile dans la formation prévue pour les futurs chefs de file en santé mentale au niveau des écoles (des postes que toutes les écoles sont maintenant encouragées à pourvoir).

 

Les décideurs au niveau du gouvernement central comme à celui des autorités locales doivent s’efforcer de s’appuyer sur les pratiques optimales observées en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles et à les faire connaitre en améliorant la mise en réseau et les opportunités de partage d’informations entre professionnels impliqués dans l’éducation des enfants réfugiés et demandeurs d’asile.

En outre, les autorités locales doivent :

  • Développer des orientations initiales concernant les programmes appropriés et les pratiques optimales pour la mise à disposition de services provisoires destinés aux enfants réfugiés et demandeurs d’asile ;
  • Mettre à disposition une formation spécialisée sur les besoins éducatifs des enfants réfugiés et demandeurs d’asile pour tous les personnels clés (travailleurs sociaux, travailleurs clés et conseillers personnels pour jeunes en fin de prise en charge) dans les endroits où il n’existe plus d’équipes d’experts dédiés aux enfants réfugiés et demandeurs d’asile.

 

Les écoles et les établissements supérieurs doivent :

  • Veiller à ce que les enseignants à tous les niveaux bénéficient, dans le cadre de leur développement professionnel normalisé, d’une formation appropriée pour apporter le soutien éducatif spécifique dont les enfants réfugiés et demandeurs d’asile ont besoin ;
  • Envisager de mettre en place des interventions de type soutien par les pairs ou partenariats d’experts en collaboration avec des organisations bénévoles extérieures qui s’occupent de jeunes réfugiés.

 

Catherine Gladwell cgladwell@refugeesupportnetwork.org
Directrice, Refugee Support Network www.refugeesupportnetwork.org

 

[1] Département de l’Éducation (2014, remis à jour en 2018) Promoting the education of looked-after children bit.ly/Looked-after-children-education-UK-2018

[2] UNICEF UK et Refugee Support Network (2018) Education for Refugee and Asylum Seeking Children: Access and Equality in England, Scotland and Wales
www.unicef.org.uk/wp-content/uploads/2018/09/Access-to-Education-report-PDF.pdf

[3] Au Royaume-Uni, les enfants demandeurs d’asile non accompagnés sont confiés aux soins de l’autorité locale dans laquelle ils se trouvent. Un enfant qui a été confié aux soins de l’autorité locale pendant plus de 24 heures devient un enfant pris en charge. Les enfants pris en charge peuvent aussi être appelés « enfants placés ».

[4] Au Royaume-Uni, les résultats des élèves lors des examens nationaux sont l’un des facteurs utilisés pour classer les écoles dans des tableaux de classement publiés régulièrement.

[5] National Audit Office (Bureau national d’audit) (2018) Converting maintained schools to academies www.nao.org.uk/wp-content/uploads/2018/02/Converting-maintained-schools-to-academies-Summary.pdf

[6] Voir, Busler D (2016) « Évaluation psychosociale de l’âge au Royaume-Uni » Revue Migrations Forcées numéro 52. www.fmreview.org/fr/solutions/busler

[7] « École virtuelle » est le terme utilisé par les autorités locales pour leurs programmes de soutien éducatif destinés à tous les enfants qu’ils ont à leur charge.

 

Avis de non responsabilité
Les avis contenus dans RMF ne reflètent pas forcément les vues de la rédaction ou du Centre d’Études sur les Réfugiés.
Droits d’auteur
RMF est une publication en libre accès (« Open Access »). Vous êtes libres de lire, télécharger, copier, distribuer et imprimer le texte complet des articles de RMF, de même que publier les liens vers ces articles, à condition que l’utilisation de ces articles ne serve aucune fin commerciale et que l’auteur ainsi que la revue RMF soient mentionnés. Tous les articles publiés dans les versions en ligne et imprimée de RMF, ainsi que la revue RMF en elle-même, font l’objet d’une licence Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification (CC BY-NC-ND) de Creative Commons. Voir www.fmreview.org/fr/droits-dauteurs pour plus de détails.