Le Centre de données pour les PDI du Nord-Kivu

Afin d’apporter une aide et une protection efficaces aux personnes déplacées de l’est de la RDC, il nous faut des données fiables, ce que le nouveau Centre de données du Nord-Kivu aide à fournir.

Dans l’est du Congo, alors que la géographie des violences évolue, de nouveaux individus sont déplacés alors que d’autres, anciennement déplacés, peuvent retourner chez eux. Pendant le déplacement, certains individus vivent dans des camps tandis que d’autres vivent chez des relations familiales ou des amis ou ont trouvé des modalités de logement chez d’autres personnes appelées généralement « famille d’accueil ». Il est relativement aisé de collecter des données dans les camps, mais beaucoup moins parmi les familles d’accueil, où les populations résidentes et déplacées sont difficiles à distinguer. De plus, le schéma complexe du déplacement en RDC rend encore plus ardue l’obtention de chiffres exacts et cohérents. 

Par exemple, il s’y trouve des PDI qui se déplacent régulièrement entre différents emplacements, y compris leur logement et les camps. Il existe également des cas de déplacement multiple qui, s’ils ne sont pas détectés, risquent de venir multiplier le nombre de déplacements comptabilisés par les agences - ces dernières devant compter le nombre d’individus déplacés, et non de déplacements. D’autres complications proviennent de la diversité des méthodologies utilisées, des sources d’information inconnues et de la mauvaise comptabilisation des naissances et des décès.

Afin de répondre à ces défis, la Commission des mouvements de population (CMP) a été créée, dirigée par le BCAH. Cette commission travaille en coopération et collaboration avec de nombreux acteurs et agences humanitaires pour comparer et consolider les données. Toutefois, cela n’a pas permis de mettre fin aux carences et divergences de données, si bien qu’un projet novateur a été lancé en 2008 pour résoudre le problème du manque d’informations : le Centre de données pour les PDI.

Ce Centre de données, dirigé par le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (United Nations Office for Project Services - UNOPS), se situe à Goma et assure le suivi des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ce projet est financé par UNHCR dans le cadre de sa responsabilité CCCM (coordination des camps et gestion des camps) mais toutes les agences de l’ONU sont encouragées à devenir partenaires du projet, tandis que toute agence humanitaire peut demander des données au Centre. Au niveau technique, le projet bénéficie de la coopération et de l’appui des autorités provinciales, des organismes chargés de gestion des camps (locaux et internationaux) et d’UNHCR pour lui permettre de satisfaire les besoins des PDI. Les principaux objectifs du Centre sont les suivants:

  1. entreprendre l’enregistrement individuel des populations vivant dans les camps, y compris les nouveaux arrivants, les départs, les naissances et les décès, etc.
  2. maintenir une base de données à jour, en temps réel, qui permette de suivre la population et de produire des données désagrégées sur les populations de PDI
  3. gérer les mouvements de population en provenance et à destination des camps de PDI, et entre les camps aussi, en délivrant des documents individuels tels que des Attestations de rapatriement librement consenti, etc.
  4. produire des listes exactes de bénéficiaires pour faciliter l’assistance, prenant en compte la taille des familles, les besoins particuliers et les critères de vulnérabilité tels qu’ils sont définis par la communauté humanitaire en RDC
  5. aider à développer des capacités solides d’analyse des données humanitaires au sein du cadre du Plan de stabilisation du gouvernement congolais pour l’est de la RDC (STAREC).
  6. garantir que les réfugiés congolais rapatriés soient individuellement enregistrés afin de faciliter la vérification dans les pays d’asile et d’aider UNHCR au Nord-Kivu à planifier les activités de protection et d’assistance
  7. maintenir une base de données pour les rapports de suivi de la protection et des rapatriés.

 
Le Centre rassemble et traite les informations concernant les PDI vivant dans les camps du Nord-Kivu (et, dans une moindre mesure, du Sud-Kivu). Les informations sont recueillies au cours d’entretiens et d’enquêtes et incluent le nombre de personnes dans un ménage, leur âge et leur sexe, la raison de leur fuite, leurs projets pour l’avenir et toute vulnérabilité particulière de leurs relations familiales. Les individus dont photographiés pour faciliter leur identification lorsque les prestations sont distribuées ou que les PDI décident de rentrer chez eux. Les camps de PDI sont divisés en zones et les logements numérotés afin de permettre à l’équipe de noter où les individus vivent exactement. Cela permet de procéder à des exercices de correction, au cours desquels un dénombrement surprise, maison par maison, de la population actuelle est effectué pendant la nuit. Ce travail peut s’avérer dangereux et demande une coordination étroite avec MONUSCO (anciennement MONUC) pour en assurer la sécurité.

Le Centre de données dispose de sa propre capacité de cartographie SIG. En plus d’établir l’origine, le flux et la location actuelle des populations déplacées, l’équipe SIG travaille avec les pouvoirs locaux pour clarifier les frontières administratives. En 2010, la Google Corporation a fourni aux équipes des projets des téléphones portables intelligents pour rendre plus efficace l’enregistrement des données, y compris les coordonnées SIG pour faciliter la cartographie.

UNHCR utilise son Système d’information sanitaire (SIS) en majorité dans les camps de réfugiés mais, au Nord-Kivu, le Centre de données utilise pour la première fois ce système dans un contexte impliquant les PDI. En collaboration étroite avec l’OMS et les autorités sanitaires provinciales, le Centre établit des partenariats avec les centres de santé, au sein et hors des camps, afin de recueillir des informations sanitaires et d’aider à suivre l’évolution des maladies et des préoccupations relatives à la santé parmi les PDI.

Toutes les données recueillies, y compris les informations statistiques et les cartes, sont régulièrement diffusées à la communauté humanitaire de l’est du Congo, par internet et par le biais de réunions. Ceci devrait aider tous les acteurs humanitaires travaillant auprès de PDI du Nord-Kivu et du Sud-Kivu à leur apporter une assistance plus efficace et mieux ciblée.

De plus amples informations sur les activités du Centre de données pour la population de PDI sont disponibles sur www.dc4idp.org.

 

Laura Jacqueline Church (laurachurch@mac.com) a travaillé au Centre de données et précédemment pour le centre de soutien régional d’UNHCR à Nairobi.
Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’ONU.

 

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