Téléphoner au pays

Le simple fait d’avoir accès à la technologie ne résout pas le problème de la communication entre les personnes déplacées et leurs familles.

En termes de disponibilité et de familiarité, le téléphone est l’instrument de connexion dont l’importance est la plus critique pour les réfugiés réinstallés et leurs familles. Il n’est cependant pas exempt de difficultés – tant parce que le choix des technologies de communication reste limité au pays, qu’à cause des coûts impliqués.
 
Les chercheurs de  l’Université de Technologie de Sydney, incités par l’absence d’études consacrées au rôle essentiel des technologies de communication dans le maintien des relations entre réfugiés et membres déplacés de la famille à l’étranger, ont décidé d’étudier l’utilisation qu’en font les réfugiés et les demandeurs d’asile dans le contexte du déplacement, de la détention et de la réinstallation. Les conclusions de cette étude ont été publiées en 2009 dans un rapport intitulé Le refuge que procure la technologie.1

Lors d’un séminaire de suivi2, des réfugiés, des avocats ainsi que des employés des ONG internationales, des services de réinstallation, et des chercheurs ont souligné les problèmes relatifs au maintien du contact avec des membres déplacés de la famille depuis le pays de réinstallation, dans ce cas précis il s’agit de réfugiés réinstallés en Australie qui cherchent à rester en contact avec des membres déplacés de leur famille en Afrique. Ils ont également produit plusieurs recommandations et des idées variées de projet, même si la faisabilité de ces derniers n’a pas pu être évaluée sur le moment.  

Alors que les réfugiés réinstallés en Australie avaient à leur disposition de nombreuses options en matière de technologie, ils se trouvaient confrontés à la limitation des technologies disponibles pour ceux avec lesquels ils voulaient rester en contact. Si les services téléphoniques étaient disponibles, c’est la qualité de la ligne fixe ou le réseau du portable qui était mauvais et les coûts pour l’utilisateur en Australie s’avéraient en général élevés. Les choix de technologie se résumaient en une négociation entre ce qui fonctionnait le mieux pour les membres déplacés de la famille et ce qui convenait à la personne en Australie du point de vue de la fréquence et du prix.

Dans certaines zones d’Afrique, il n’y a pas de couverture en termes de télécommunications. Les participants au séminaire ont fait remarquer que là où elles existent les communications téléphoniques sont régulièrement coupées, et certains d’entre eux ont expérimenté des interférences de communication comme des croisements de lignes. La force du signal est faible, et l’absence d’une source régulière et fiable d’électricité dans le pays du destinataire peut s’avérer un problème majeur, même si cela est très variable en fonction des régions. La croissance de la population dans certaines zones affaiblit la force du réseau, du fait de baisses de tension. Il se peut aussi que certaines personnes rencontrent des difficultés à se brancher sur un réseau électrique pour recharger leur portable.

Adapter la technologie à chaque famille

Trouver la meilleure technologie à utiliser en fonction des circonstances de différents membres de la famille peut s’avérer difficile, particulièrement s’ils sont eux aussi déplacés. Entrent en jeux  différents facteurs comme la variété des services disponibles, la capacité financière à les payer et les compétences pour les utiliser. Un participant a expliqué que la majorité des membres de sa famille se trouvant à l’étranger doivent accéder à la technologie de communication par l’intermédiaire d’autres personnes. Une autre participante a décrit les difficultés qu’elle a rencontrées pour contacter son mari dans un camp. Elle lui a envoyé de l’argent pour acheter un portable, mais d’autres personnes dans le camp l’utilisaient aussi, ce qui fait qu’elle devait parfois attendre pendant des heures pour pouvoir communiquer avec lui.

Des options bon marché comme le courrier électronique, la voix sur IP ou la messagerie instantanée peuvent ne pas être accessibles ou abordables, et l’accès à l’internet en Afrique reste très couteux. En outre, il se peut aussi que les membres déplacés de la famille à l’étranger ne sachent pas comment utiliser ces systèmes.

Ce sont ceux qui sont réinstallés qui dans l’ensemble couvrent les frais de communication avec leurs parents qui sont déplacés ou se trouvent dans des camps de réfugiés, habituellement en initiant et en payant les appels. Certaines personnes cependant préféraient envoyer de l’argent à leurs parents pour que ceux-ci puissent appeler en Australie parce que cette option dans certains cas était moins couteuse.

Communiquer avec la famille à l’étranger était couteux pour de nombreux réfugiés réinstallés qui avaient des difficultés à trouver les options les moins chères et les mieux adaptées à leur région particulière de l’Afrique parmi ce qu’ils considéraient comme un trop grand choix proposé  par l’industrie des télécommunications, et des services inégaux de la part des opérateurs.

Les participants proposaient la mise en place de mécanismes plus efficaces de responsabilité de la part des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs de cartes téléphoniques par l’intermédiaire d’une entité régulatrice appropriée. Plus particulièrement, ils demandaient qu’un bureau de surveillance soit établi pour les services de téléphones à cartes de manière à assurer un niveau minimum de qualité.

Les téléphones portables et les téléphones à cartes étaient les moyens de communication les plus communément utilisés, même si cela pouvait varier d’une région à l’autre. Les réfugiés réinstallés utilisaient souvent différents fournisseurs d’accès pour différents services afin de réduire les coûts – et à l’intérieur de la communauté tout le monde semblait savoir rapidement si un prestataire de service proposait une option avantageuse.

La formation aux technologies de communication pour ceux qui se trouvent dans des camps de réfugiés comme pour ceux qui ont été réinstallés doit incorporer des informations sur les moyens qui permettent aux réfugiés, dans certaines situations, de rester en contact avec leur famille à l’étranger à moindre coût, par exemple en utilisant la voix sur IP ou le chat. Très peu de réfugiés récemment arrivés savent comment tirer parti de ces nouvelles technologies de communication.

Les participants ont suggéré qu’une source officielle et mise à jour d’informations sur les options de communication avec les familles à l’étranger pourrait être une ressource utile. Les informations pourraient être obtenues auprès de personnes clés de la communauté, de prestataires de services de télécommunication et d’organisations de migrants qui ont à la fois des connaissances anecdotiques et sur le marché. Cette information devrait circuler à travers l’ensemble des communautés de réfugiés, peut-être par l’intermédiaire de certains membres de la communauté, de bénévoles ou de travailleurs sociaux.

Un soutien financier pourrait être demandé aux compagnies de télécommunication qui ont une présence sur le marché africain des télécommunications pour créer un site qui fournirait  aux réfugiés réinstallés des options de communication avec leur famille et leurs amis restés en Afrique

Une autre idée était qu’un ‘forum de discussion’  pourrait être mis en place sur un réseau social de manière à fournir un forum en ligne aux réfugiés pour y discuter des difficultés de communication qu’ils rencontrent et pour identifier les meilleures options de communications avec les familles déplacées ou se trouvant dans des camps de réfugiés. Un forum interactif en ligne de ce type pourrait aider les réfugiés à éviter l’écueil fréquent qui consiste à se fier à des informations dépassées. Cependant, les participants ont également remarqué que le niveau de compétence en informatique dans les communautés en Afrique est faible, et que peu de personnes sont susceptibles de savoir comment utiliser les réseaux sociaux en ligne.

Certains réfugiés ont fait état de leur crainte d’être localisés par le gouvernement qu’ils ont fui, ce qui rend difficile pour eux de parler ‘à cœur ouvert’ avec leurs amis et leur famille. Dans certains pays les communications sont strictement surveillées et comportent des systèmes d’écoutes téléphoniques.

Conclusions
Les participants du séminaire ont confirmé l’observation du rapport selon laquelle la capacité à s’installer et le bien-être émotionnel des réfugiés dépendaient dans une mesure importante de la possibilité de maintenir des réseaux de communication avec les membres de leur famille de manière à savoir où ils se trouvent et être rassuré sur leur sécurité. Les technologies de communication qui permettent aux réfugiés de retrouver les membres perdus de leur famille, de communiquer avec eux, d’informer leur famille et leurs amis de leurs besoins et leur permettent de recevoir une assistance financière, peuvent réellement remplir un rôle vital en termes de sécurité.

Ce processus pourrait être facilité par des organisations capables de fournir des indications sur les produits et les services disponibles en termes de technologie de communication et d’assurer des formations à l’utilisation de ces technologies. Ces organisations pourraient aussi le faire en organisant des réseaux informels à l’intérieur et entre les communautés de réfugiés. L’industrie des télécommunications a également un rôle à jouer en éduquant le consommateur et en proposant des informations et des services adaptés à ce segment du marché.

Linda Leung (Linda.Leung@uts.edu.au) est Maître de conférences à Institute for Interactive Media and Learning de l’Université de Technologie de Sydney. (www.iml.uts.edu.au).

1 Leung L, Finney Lamb C et Emrys L, Technology’s Refuge: the Use of Technology by Asylum Seekers & Refugees [Le refuge que procure la technologie: l’utilisation de la technologie par les demandeurs d’asile et les réfugiés]. 2009. Sydney: UTS ePress.  Disponible sur http://utsescholarship.lib.uts.edu.au/dspace/handle/2100/928

2 Le rapport sur le séminaire se trouve [en anglais] sur: www.shopfront.uts.edu.au/news/images/Refugees_and_Communication_Technology.pdf

 

 

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