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Évaluation de la prévention et du contrôle des infections pendant la COVID-19 dans 22 contextes humanitaires

Lors des épidémies d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014-15 et en République démocratique du Congo en 2019, des infrastructures et des pratiques médiocres en matière de prévention et de contrôle des infections (PCI) ont entraîné un nombre élevé d’infections chez les travailleurs de santé, et limite l’utilisation des services de santé par la population par crainte de la transmission. Sur la base de son expérience avec Ebola, l’International Rescue Committee (IRC) a élaboré un pack minimal de normes PCI relatives à la COVID-19, visant à permettre des améliorations rapides de la PCI dans les établissements de santé desservant des populations touchées par les conflits et les déplacements. Les principaux éléments de cet ensemble minimal de mesures de prévention et contrôle des infections portent sur le personnel et la responsabilité, les compétences et les pratiques, ainsi que les fournitures et les infrastructures.

Évaluation de base : mise en évidence des défis à relever

Le pack minimal de normes a été utilisé pour développer un instrument d’évaluation afin de fournir une base de référence sur l’état actuel de la PCI dans les établissements de santé soutenus par l’IRC dans cinq régions. Pour ce faire, des informations ont été recueillies sur les catégories suivantes : 1) triage, dépistage et isolement ; 2) hygiène, nettoyage de l’environnement, désinfection et équipement de protection individuelle (EPI) ; 3) approvisionnement en eau ; 4) assainissement et déchets médicaux ; et 5) gestion. Cet instrument s’est inspiré de l’outil WASH FIT de l’OMS/UNICEF et il a été adapté pour saisir les informations au niveau des établissements de santé. Il utilise un système de feux tricolores pour signaler les problèmes à résoudre[1]. Un score a été assigné à chaque établissement pour chaque catégorie ainsi qu’un score global en matière de PCI.

Cette évaluation de base de la PCI a été réalisée entre août et décembre 2020 dans 1 106 établissements répartis dans 22 pays. Chaque établissement a reçu un score dans chaque catégorie et un score global de PCI. Les établissements ayant satisfait à 80 % ou plus les normes étaient classés dans la catégorie « objectif atteint » et signalés en vert ; les établissements ayant satisfait à 65-79 % les normes étaient classés dans la catégorie « objectif partiellement atteint » et signalés en orange ; et les établissements ayant obtenu un score de 64 % ou moins étaient classés dans la catégorie « objectif non atteint » et signalés en rouge. Sur les 1 106 établissements évalués, 14 % ont atteint les objectifs globaux de prévention et de contrôle des infections, 17 % ont partiellement atteint les objectifs et 70 % n’ont pas atteint les objectifs. Les résultats varient quelque peu d’une région à l’autre, mais aucune d’entre elles n’avait plus de la moitié de ses établissements qui atteignaient l’objectif global en matière de PCI. Toutes les régions ont obtenu une moyenne inférieure au seuil de 80 % pour le score global en matière de PCI.  

Les approches de mise en œuvre des programmes de santé de l’IRC sont différentes en fonction du contexte et cinq d’entre elles ont été évaluées ici : les installations directement gérées par l’IRC ; les installations directement gérées par le ministère de la Santé, sans soutien de l’IRC ; les installations directement gérées par le ministère de la Santé, avec un soutien continu de l’IRC ; les installations gérées par des partenaires, sans soutien de l’IRC ; et les installations gérées par des partenaires, avec un soutien continu de l’IRC.

Les établissements gérés directement par l’IRC ont obtenu, en moyenne, de meilleurs résultats que les établissements gérés par le ministère de la Santé et d’autres partenaires, avec 35 % des établissements évalués qui ont atteint l’objectif. Ce sont ensuite les établissements gérés par des partenaires et soutenus par l’IRC qui ont obtenu les meilleurs résultats, tandis que les établissements gérés par des partenaires sans soutien de l’IRC ont obtenu les résultats les plus faibles. Ce sont les hôpitaux qui ont obtenu les meilleurs résultats (62 % ont atteint les normes) et les cliniques temporaires/mobiles qui ont obtenu les moins bons résultats (3 % ont atteint les normes) en fonction du type d’établissements.

C’est dans la catégorie nettoyage et EPI (avec 71 %) que les établissements ont atteint les scores les plus élevés, suivis par l’eau (64 % ont atteint cet objectif), puis l’assainissement (47 %), la gestion (43 %) et le dépistage (29 %). Bien qu’il y ait eu des difficultés initiales pour obtenir des EPI, un effort global a été réalisé pour garantir que tous les établissements de santé gérés et soutenus par l’IRC aient accès aux EPI au cours des six premiers mois de la pandémie, et il semble que cet effort ait eu des résultats positifs.

Soixante-quatre pour cent des établissements de santé ont satisfait à la norme relative à l’eau. Bien que cette catégorie soit la deuxième norme la mieux classée dans l’évaluation de référence, elle est également la plus fondamentale pour atteindre les normes globales de PCI et son score est donc inquiétant. Dans cette catégorie, l’activité la moins pratiquée était la chloration de l’eau, ce qui est problématique car l’eau non chlorée peut être fortement contaminée par divers agents pathogènes, une situation qui peut facilement invalider les activités de nettoyage et de désinfection, et entraîner la transmission des maladies hydrique.

Moins de 50 % des établissements répondaient aux normes d’assainissement, et beaucoup n’avaient pas de toilettes séparées pour les hommes et les femmes, ou pour le personnel. La plupart des établissements disposaient de systèmes de collecte des déchets fonctionnels, mais le plus inquiétant était le faible nombre d’établissements qui disposaient des mécanismes adéquats pour l’élimination finale des déchets, ce qui constituait un risque non seulement pour le personnel et les patients des établissements de santé, mais aussi pour les communautés environnantes.

Moins de 50 % des établissements satisfaient à la norme de gestion car de nombreux établissements n’avaient pas de comités de PCI se réunissant régulièrement avec un mandat clair. La plupart des éléments de cette catégorie nécessitent peu ou pas de ressources financières et sont donc considérés comme plus faciles à mettre en œuvre pour améliorer la PCI.

Le dépistage et le triage ont obtenu les résultats les plus mauvais, avec une moyenne de seulement trois établissements sur sept répondant à cette norme. La plupart des établissements n’avaient pas de système de dépistage ou de triage à l’entrée de l’établissement, et même lorsqu’il y en avait un, il ne fonctionnait souvent pas en permanence ou ne disposait pas du matériel nécessaire pour le faire correctement. Parmi les difficultés rencontrées pour satisfaire à cette norme figurait le manque de personnel.

Pourquoi ces normes sont-elles difficiles à atteindre ? 

Les résultats de l’évaluation de base de la PCI soulignent non seulement les points forts, mais aussi – et surtout – les points à améliorer pour que les établissements de santé atteignent les normes minimales de PCI. Cependant, les résultats de base ne mettent pas en évidence les raisons pour lesquelles les normes minimales de PCI sont si difficiles à atteindre dans un contexte humanitaire. Les employés des 22 pays concernés ont fourni des informations sur les principaux défis qu’ils rencontrent pour atteindre les normes en matière de prévention et de contrôle des infections :

Disponibilité d’eau potable : Dans de nombreux contextes humanitaires, il n’y a pas d’accès facile à des sources d’eau potable, ou l’eau est généralement rare. Dans les endroits où l’eau est suffisante, elle n’est souvent pas traitée au chlore. S’il n’y a pas d’eau ou si elle est insuffisante, voire si elle n’est pas correctement traitée, il est impossible de pratiquer la PCI de manière adéquate.

Chaîne d’approvisionnement : Dans plus de la moitié des pays, le personnel de santé a signalé une ou plusieurs difficultés à assurer un approvisionnement régulier en équipements de protection individuels prioritaires. Ces difficultés comprenaient le manque de disponibilité locale de matériaux appropriés, l’incapacité des marchés internationaux à fournir des articles en raison d’une offre limitée et d’une demande élevée, et des retards dans les expéditions de fournitures en raison de restrictions des déplacements ou de vol. Ces difficultés ont été aggravées par les difficultés habituelles et propres aux chaînes d’approvisionnement, sans rapport avec la pandémie. 

Infrastructure des établissements de santé : De nombreux établissements de santé ne sont pas conçus pour permettre la mise en place de précautions standard en matière de PCI, et encore moins de précautions contre la transmission de la COVID-19. De nombreux établissements ont une taille restreinte et ne sont pas en mesure d’assurer des normes de distanciation sociale, des entrées et des sorties séparées, des chambres d’isolement et des zones de dépistage et de triage dédiées. S’il est vrai que le financement a constitué un obstacle à la réalisation de bon nombre des changements requis, le manque d’espace et les restrictions locales ont également rendu les améliorations très difficiles.

Effectifs : De nombreux pays ont fait état d’un nombre insuffisant de professionnels de santé et d’une faible capacité en matière de PCI – un problème qui n’est pas rare dans de tels contextes, mais que la maladie et les craintes des professionnels de santé ont exacerbé au cours de l’épidémie de COVID-19. Parmi ceux qui ont continué à travailler dans les établissements de santé, il a été signalé que certains d’entre eux manquaient de motivation pour mettre en œuvre les normes de PCI, considérant que celles-ci s’ajoutaient à leur charge de travail habituelle et ne faisaient pas partie de leur description de poste. L’adhésion aux précautions de transmission de la COVID-19 pour les auxiliaires de santé, comme le port du masque, a été signalée comme extrêmement faible, ce qui a donné l’impression que la COVID-19 n’était pas prise au sérieux.

Financement : L’insuffisance du financement disponible a contribué à de mauvaises pratiques en matière de PCI. Alors que les équipes sanitaires de l’IRC ont reçu de petites allocations pour soutenir les améliorations de la PCI pendant la pandémie, très peu de donateurs ont financé de grands projets de PCI, comme ils l’avaient fait lors d’autres épidémies de maladies infectieuses. De nombreux donateurs ont également été peu réactifs lorsqu’il a s’agit de permettre des réalignements budgétaires pendant la pandémie afin d’améliorer les normes PCI dans les établissements de santé. L’augmentation du coût de certains articles pendant la pandémie – comme les EPI – a accentué la pression sur des budgets déjà limités.  

Améliorer la PCI : une priorité

Cette évaluation de base a mis en évidence les principaux points faibles des établissements de santé et l’importance de se concentrer sur les améliorations de la PCI pendant la pandémie de COVID-19. À long terme, les améliorations dans ce domaine contribuent à une amélioration globale de la qualité de la prestation de soins et des résultats pour les patients. La protection des professionnels de santé et des patients est essentielle à la mise en place d’un système de santé résilient. Le renforcement des systèmes et des pratiques de PCI est donc essentiel pour permettre aux systèmes de santé de répondre aux urgences, de fournir des soins de routine en toute sécurité et de gérer des épidémies futures.

Il est important de noter que les établissements gérés par l’IRC sont globalement plus performants que ceux gérés par le ministère de la Santé et d’autres partenaires. Cette différence est attribuée au fait que l’IRC a plus de facilité à apporter des changements dans les établissements qu’il gère directement que dans ceux qu’il ne fait que soutenir, une indication que la mise en œuvre de mesures effectives de PCI est possible, y compris dans les contextes les plus difficiles.

L’Assemblée mondiale de la santé (AMS) a adopté quatre résolutions en 2019 dans lesquelles les États membres ont convenu d’améliorer les services WASH dans les établissements de santé[2]. Les États membres ont également exhorté les pays à renforcer la PCI, notamment dans le secteur WASH, afin de garantir les normes les plus élevées en matière de soins de santé universels. Malgré ces engagements mondiaux, il n’est toujours pas accordé un degré de priorité suffisant à la PCI. 

 

Claire Eldred Claire.Eldred@rescue.org

Responsable Suivi et Évaluation

 

James Kahia James.Kahia@rescue.org

Conseiller technique, Santé environnementale

 

Lilian Kiapi Lilian.Kiapi@rescue.org @LilianKiapi

Directrice, Soutien aux pays en matière de santé

 

Bibi Lamond Bibi.lamond@rescue.org

Conseillère technique, Prévention et contrôle des infections

 

Stacey Mearns Stacey.Mearns@rescue.org

Conseillère technique principale, Santé d’urgence

 

Laura Miller Laura.Miller@rescue.org

Conseillère technique principale, Programmes de santé

 

Liz Walker Liz.Walker@rescue.org

Conseillère technique principale, Santé environnementale

 

Unité de santé de l’International Rescue Committee

 

[1]  OMS/UNICEF (2018) Outil d’amélioration de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène dans les établissements de santé (WASH FIT). www.who.int/fr/publications/i/item/9789241511698

[2]  Soixante-douzième Assemblée mondiale de la Santé (2019) « L’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les établissements de santé » https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA72/A72_R7-en.pdf

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