Nous sommes conscients du fait que le vrai visage des personnes est important pour donner de la vie aux mots – aux faits, aux réflexions, aux idées et aux sentiments – exprimés dans RMF. Nous avons toujours recherché des images qui montrent la réalité individuelle de la migration forcée, du trafic humain ou de l’apatridie.
Vous remarquerez, néanmoins, que dans ce numéro nous avons fait en sorte que les personnes qui figurent sur les photos ne puissent généralement pas être reconnues, et nous souhaitons vous expliquer ce qui nous a motivés à le faire.
Nous savons que bon nombre, sinon tous les photographes et les agences qui nous fournissent généreusement des photos à utiliser dans RMF, demandent la permission de ceux et celles qu’ils photographient. Cependant, nous avons commencé à remettre en question notre postulat de départ et à nous demander s’il est réellement toujours approprié que nous utilisions ces photos dans RMF.
RMF est distribuée partout dans le monde en version papier et est librement accessible en ligne sur notre site Internet ; en outre, la revue est disponible sur d’autres sites Internet et dans des bibliothèques publiques, et les photos utilisées dans FMR sont largement diffusées sur les réseaux sociaux. La réalité est que nous n’avons aucun moyen d’être sûrs que les personnes photographiées ont réellement pu donner un consentement éclairé nous autorisant à utiliser leur image. Ces personnes auraient-elles compris que leur image allait pouvoir être vue par des gens dans le monde entier, et qu’elle continuerait à exister dans un monde virtuel, éventuellement pendant de très nombreuses années ?
Nous pensons qu’il existe des cas dans lesquels les individus concernés préféreraient que leur image ne soit pas utilisée d’une manière qui les identifie pour la postérité dans une situation qui, en toute probabilité, est une situation temporaire et les surprend à un moment particulièrement pénible de leur existence. Nous ne pouvons pas non plus garantir que montrer leur image – à un moment donné et de manière impossible à prévoir – ne leur portera pas préjudice ou ne nuira pas à leur dignité. C’est pourquoi nous nous devons d’agir avec prudence.
Nous avons décidé que nous devrions, chaque fois que cela est possible, protéger l’identité des personnes que nous montrons dans RMF – sauf bien entendu s’il est évident qu’une telle précaution est superflue – en évitant les gros plans sur les visages, et/ou lorsque nécessaire en les pixellisant.
Nous nous rendons compte qu’il n’existe pas de manière correcte ou parfaite de procéder. Les personnes qui se trouvent sur les photos penseront peut-être que cela les prive d’une partie de leur identité ; elles peuvent aussi penser que nous faisons le jeu de ceux qui aimeraient étiqueter les réfugiés comme des citoyens de seconde catégorie ou ‘indésirables’. Il se peut aussi que cela affaiblissent l’impact des mots. Mais nous sommes arrivés à la conclusion que c’est ce que nous devions essayer de faire.
Nous savons que certains d’entre vous se seront trouvés eux aussi confrontés à ce dilemme, et nous aimerions beaucoup entendre ce que vous avez à en dire. N’hésitez pas à nous faire savoir ce que vous pensez. Vous pouvez nous écrire par courrier électronique à : fmr@qeh.ox.ac.uk.